Comment voyez-vous votre mission au sein de votre entreprise ?

Le développement des personnes est au cœur de la performance durable de l’entreprise. Nous tenons compte des femmes et des hommes qui la composent et nous nous adressons par conséquent à eux. C’est la raison pour laquelle nous avons conservé le vocable de directeur du personnel et je suis fier de ce titre. Ma mission est de les accompagner pour qu’ils puissent grandir en même temps que l’entreprise pour affronter les défis actuels. Qu’on le veuille ou non, le premier DRH de l’entreprise c’est le patron. La performance d’une organisation s’appuie avant tout sur le binôme DRH et DG.

Selon vous, performance et bienveillance ne sont pas antinomiques. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

On a tendance à associer la bienveillance à « un monde de bisounours » car elle apparaît hors propos dans un monde dans lequel l’entreprise subit de nombreuses vicissitudes et vit de nombreux combats pour assurer sa survie. Or, la bienveillance permet de développer la responsabilisation au sein d’une entreprise et de permettre à tout un chacun de prendre des initiatives et de contribuer, ainsi, à son niveau, à la performance globale. Notre culture est centrée sur l’individu et notre slogan d’il y a 40 ans était déjà « Deviens ce que tu es ». Nous privilégions le développement personnel car il est au cœur de la performance durable de l’entreprise.

Vu la place que vous accordez à la responsabilisation des équipes et à leur autonomie, pensez-vous que l’industrie peut être propice à un nouveau genre d’entreprises dites « libérées » ?

Nous vivons une transformation culturelle mais nous ne parlons pas d’entreprise libérée mais d’entreprise responsabilisée. Nous avons remarqué que lorsqu’il y a une diminution du nombre de correspondants innovation sur nos sites, le nombre d’idées proposées était moindre. Nous avons mis en place un certain nombre de règles afin d’aider les uns et les autres à progresser et à se professionnaliser. Nous avons encore de nombreux progrès à faire pour que le top management soit plus proche de la réalité du terrain. Nous éliminons peu à peu les couches intermédiaires et manière à fluidifier les circuits d’information en interne. La notion d’équipe est aujourd’hui clairement privilégiée et nous avons mis en place des dispositifs de rémunérations collectifs. Nos usines vont devenir complètement digitalisées et le partage de l’information va devenir déterminant pour prendre les bonnes décisions.

Quel lien faites-vous entre l’innovation participative et votre R&D chez Michelin ?

Notre R&D est centralisée de manière à garder la main sur l’ensemble des projets développés. Elle est aujourd’hui devenue plus participative et s’appuie sur les différentes équipes. Nous avons cassé les silos et créé un complexe dédié à l’innovation qui accueille également d’autres entreprises et des start-up et qui favorise ainsi les échanges entre des personnes de tout horizon. Nous avons bâti cet écosystème afin de favoriser l’émergence des idées dans un monde en pleine mutation. Nous réfléchissons par exemple à la mobilité de demain avec de nombreux acteurs issus ou non du secteur automobile. Nous avons créé à ce titre, en partenariat avec des groupes comme Safran ou encore Total, un Fab Lab pour partager le fruit de nos réflexions sur l’innovation et la recherche de demain.

Nous avons par ailleurs lancé un programme intitulé « Innovations Work » destiné à 110 000 personnes du groupe. Le message porté est fort car nos salariés, qui n’ont pas besoin d’appartenir à notre centre de R&D pour innover, se sentent pris en considération et valorisés.

Comment avez-vous fait évoluer le management en interne pour favoriser l’innovation participative ?

La question de la responsabilisation amène inéluctablement celles sur le management et le leadership. Qui prend la décision in fine ? Quelle posture managériale avoir pour favoriser l’émergence d’une intelligence collective ? Nos managers ont jusqu’à présent été promus dans un monde vertical dans lequel ils consacraient leur temps aux contrôles et reportings. Aujourd’hui, nous leur demandons d’avoir une posture de coach et d’aider les équipes à se développer. Il s’agit là d’une nouvelle façon de concevoir la posture managériale et cela prend du temps pour changer leur culture. La responsabilité du leader est de nos jours de donner le bon cap et du sens à l’action. Les managers font toujours des contrôles et du reporting mais nous donnons l’occasion aux équipes d’être plus autonomes dans l’accomplissement de leurs tâches. Par exemple, les équipes de travail de nuit ne sont plus supervisées par un supérieur hiérarchique et cela se passe très bien.

Que pensez-vous enfin de l’impact de la digitalisation sur l’emploi ?

Nous allons présenter à Paris l’usine digitale de demain. En mettant l’accent sur le numérique nous évitons ne nous faire « ubériser » à moyen ou long temps et sauvons notre industrie. L’intelligence artificielle va faire de nous des hommes et des femmes « augmentés », capables de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Nous n’envisageons pas de devenir des esclaves des machines. Il est vrai que certains métiers comme cariste ou vérificateur, vont disparaître, mais, en contrepartie, nous allons avoir besoin d’élargir le champ de nos compétences, notamment nos « soft skills », pour embrasser le changement. Nous sommes en train de développer dans nos usines des montres connectées et des lunettes en réalité augmentée, facilitatrices d’une nouvelle façon de travailler, moins pénible et plus créatrice de valeur. Quand on introduit de la robotique on améliore tout de suite les conditions de travail. Le stress diminue et cela engendre une augmentation de la capacité à résoudre les problèmes. D’ailleurs, les salariés de note usine basée à Chollet nous demande d’aller plus vite ! Nous travaillons également avec de nombreux chercheurs en neurosciences pour faire avancer cette notion d’ « homme augmenté ». Nous n’avons pas changé notre ADN Il y a 100 ans le groupe aidait ses salariés à apprendre à lire et à écrire. Aujourd’hui nous allons les accompagner pour les acculturer au numérique. L’entreprise a une responsabilité sociétale.

 

Propos recueillis par Christel Lambolez

 

 

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